CMPEP
COLLECTIF MÉDICAL POUR PARENTS D'ENFANTS PLACÉS
En centralisant ses ressources et ses efforts sur la mise sous protection des mineurs en danger dans leur développement, la politique publique en matière de protection des mineurs délaisse la prise en charge et le suivi des parents d’enfants placés. Malgré l’accompagnement des parents durant le placement de leur enfant, le faible soutien à la parentalité qu’offre la politique publique représente un risque pour les autorités puisqu’il est susceptible d’engendrer des placements longs et coûteux sans offrir de réelles perspectives de retour du mineur dans sa famille d’origine (p. 81).
Autres constats rapportés par la Cour des comptes: le potentiel d’évolution des parents et les attentes à leur égard ne sont pas clairement formalisés; de ce fait, le retour du mineur dans sa famille d’origine n’est pas favorisé (p. 67); cela engendre une rupture des liens fondamentaux entre un parent et un enfant (p 74); les parents ressentent du désespoir à la suite du placement (p. 75); les objectifs fixant les conditions d’un retour à la maison ne sont pas suffisamment établis avec les parents: formulation de modifications attendues, fixation d’un calendrier de mise en œuvre des objectifs, mise à disposition de ressources financières, de mesures de soutien et d’encadrement (p. 75).
Rapport de la Cour des comptes, Protection des mineurs: mesures liées au placement, 2016.
Selon le rapport (2020) de la commission des Droits de l'Homme du Grand Conseil de la République et canton de Genève, ce dernier invite le Conseil d’Etat:
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à garantir le maintien des liens familiaux, en renforçant le dispositif de l’accompagnement éducatif en milieu ouvert (AEMO) et les autres mesures d’accompagnement à la parentalité ;
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à garantir la proportionnalité et la subsidiarité dans toute application de la clause péril, qui doit rester une mesure de dernier recours ;
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à présenter un projet de loi réformant la clause péril, en ce sens qu’elle n’est activée que s’il existe un danger imminent d’atteinte à l’intégrité de la personne mineure, impossible à éviter par d’autres moyens, et que le TPAE doit statuer dans un délai de 72h après avoir entendu les parties ;
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à favoriser les solutions de placement au sein de la famille en priorité ;
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à garantir, outre le SPMi, la pluralité et la diversité des entités chargées de la mise en œuvre des différentes étapes du dispositif de protection de l’enfance, en particulier s’agissant de l’établissement des expertises et du suivi des familles ;
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à éviter la psychiatrisation des situations familiales conflictuelles, en établissant des critères précis justifiant le recours à une expertise ;
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à renforcer les droits procéduraux des membres de la famille, s’agissant de l’accès aux documents, du droit d’être entendu et de la contestation des expertises ;
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à s’assurer que les entretiens fassent l’objet d’un procès-verbal, et, dans le cadre d’expertises, à offrir la possibilité d’un enregistrement ;
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à garantir que les expert.e.s disposent de la formation adéquate et que les évaluations soient conduites par des équipes pluridisciplinaires ;
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à garantir que, si un droit de visite accompagné a été décidé, il s’exerce sans entraves, notamment d’ordre financier ;
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à rendre obligatoire la participation à des séances de médiation dès la saisine des autorités en cas de conflit, et à garantir la gratuité des trois premières séances ;
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à systématiser la conciliation en cas de procédure judiciaire conflictuelle ;
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à signaler aux usager.ère.s et à leurs proches, en cas de conflit avec une autorité administrative, l’existence du bureau de médiation administrative de l’Etat ;
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à renforcer le dispositif d’accompagnement spécialisé pour les jeunes à besoins particuliers ;
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à adapter le nombre de places disponibles dans les institutions de placement après la mise en œuvre des invites précédentes ;
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à indiquer la durée du placement au moment où il est prononcé ;
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à donner aux entités chargées de la mise en œuvre des différentes étapes du dispositif de protection de l’enfance les moyens d’accomplir leur mandat de manière satisfaisante.

ARGUMENT
En Suisse, les conséquences judiciaires, sanitaires et humaines des expertises psychiatriques relatives à la protection des mineurs semblent très peu évaluées et traitées par les professionnels de la santé. Aucune institution ou organisme ne protège les parents des effets graves générés par les processus de protection de l'enfant.
L'évaluation de parents d'enfants placés que nous rencontrons dans les consultations médicales et psychothérapeutiques (Genève) semble confirmer que ces personnes sont soumises à une cascade de maltraitances et traumatismes induite par:
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la séparation parent-enfant;
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les expertises psychiatriques qui manquent d'intégrité scientifique et refusent de prendre en considération l'amputation signifiée par la rupture parent-enfant et ses conséquences;
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les procédures administratives et juridiques liées à la protection des mineurs et impliquant des pratiques professionnelles inappropriées;
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la spirale conflictuelle entre parents et institutions au sein de laquelle se jouent des violences en miroir;
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la bulle spéculative des protocoles, des rapports et de la surveillance, visant à accumuler les détails qui justifient les pratiques;
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les interdictions, les exclusions, les stigmatisations, les humiliations, les dégradations, les négligences, les mises sous curatelle et les coercitions successives conduisant à l'invalidation sociale;
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les dettes liées aux frais d'avocat et d'expertise pouvant aller jusqu'à 100'000 francs suisses;
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les délais des procédures et des placements;
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l'absence d'une définition des conditions permettant le retour de l'enfant dans son foyer familial.
Cette série de traumatismes et maltraitances est déniée, en 2020, par les procédures engagées qui sont fondées sur la conviction (prouvée par des expertises psychiatriques) que les parents sont malades, donc responsables des pratiques (souvent inappropriées) déployées à leur égard. Les expertises qui inaugurent ce processus dit de protection sont systématiquement contestées par les professionnels de la santé, les parents et les avocats pour leur inadéquation avec le profil du patient et pour leurs lacunes scientifiques et méthodologiques rappelant une psychiatrie légaliste et totalitaire qui ne se soucie pas des conséquences médicales et sociales de ses actes. Ainsi, les traumatismes iatrogènes et institutionnels ne sont jamais interrogés/traités et restent, par défaut, dans l'angle mort d'une compréhension holiste des tableaux cliniques présentés par ces personnes. L'État protège les enfants (si tout va bien), mais qui protège les parents de la protection de l'enface? Les deux protections sont-elles incompatibles?
Vous trouverez sur cette page des éléments psychopathologiques relatifs au processus de protection des mineurs.

CMPEP tente de répondre, dans une perspective pluridisciplinaire, à une question majeure de la santé publique: quelles sont les conséquences psychologiques et somatiques d'un placement d'enfant pour les parents et comment y remédier?
MISSION
## Examiner les effets cliniques, psychologiques et somatiques générés par les placements d'enfants et par les procédures liées à la protection des mineurs, effets actuellement déniés par les intervenants des réseaux.
## Élaborer un dispositif d'évaluation de la maltraitance psychologique présente dans les interactions parents-institutions.
## Décrypter, dans une perspective pluridisciplinaire (scientifique, critique, sociale, psychologique, culturelle et juridique), les dynamiques à l’œuvre et les effets potentiellement pathogènes des institutions et des interactions.
## Proposer une prise en charge médicale fondée sur une connaissance approfondie et scientifique des facteurs en jeu lors d'un placement d'enfant.
## Sensibiliser les réseaux d'intervenants par rapport aux effets constatés.
RECOMMANDATIONS
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Élaborer une réelle protection médicale/psychologique/judiciaire des parents qui, comme la Cour des comptes le constate, sont délaissés par le processus de protection. Certains sont criminalisés pour de longues durées. Les actions qui protègent les parents (qui préservent le lien affectif avec leur enfant) de ce qu'ils décrivent comme un viol psychologique généré par le processus de protection de l’enfant demeurent dans l'angle mort de la réflexion globale.
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Définir les objectifs et la durée du placement pour l’enfant, ainsi que les objectifs à atteindre pour les parents.
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Produire des expertises selon les standards scientifiques de l’étude de cas (sciences humaines et sociales): méthode mixte qualitative-quantitative, références et analyses théoriques triangulaires (à l’aide de perspectives alternatives), approche holiste, prise en considération des traumatismes du processus de protection (systématiquement déniés).
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Considérer, dans le cadre du rapport d'expertise psychiatrique, les potentiels effets sanitaires, judiciaires et humains du diagnostic. Ne pas préconiser un placement et/ou des rencontres surveillées sans en détailler les conséquences psychologiques et les responsabilités des intervenants.
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Ne pas transmettre l’expertise psychiatrique à des tiers. Les expériences démontrent qu'elle est utilisée dans le cadre de la spirale de la violence (SPMi-parents, par exemple). N’oublions pas que la séparation parents-enfants opérée par le SPMi représente un traumatisme majeur au sein du processus de protection et conduit par conséquent à des interactions qui réactivent un stress traumatique. L'expertise est alors utilisée pour déresponsabiliser les professionnels et identifier les dysfonctionnements uniquement du côté des parents.
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Le suivi médical et psychologique doit être assuré par des professionnels qui n’informent pas le réseau sans l’accord du patient, afin de s’assurer que ce dernier peut traiter sa problématique en toute confiance et sans crainte de représailles. Toute communication avec des tiers présente le risque d’une rupture du contrat thérapeutique et expose parents et enfants à un nouvel échec (généralement utilisé comme confirmation du diagnostic des experts).
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Privilégier la méthode Cochem: rechercher le consensus entre les intervenants pour mettre fin à la propagation du virus de la haine.
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Considérer de manière critique et vigilante un processus qui rend les parents responsables des pratiques institutionnelles inappropriées tout en maintenant la collusion entre les intervenants.
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Lorsque la violence en miroir entre parents et les institutions de la protection est inévitable, permettre l’échange à travers un médiateur (qui s'engage à protéger le parent).
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Éviter les rencontres surveillées (par des tiers et/ou des caméras). Le voyeurisme sans le consentement des acteurs (ou sous contrainte) et sans risque d'un passage à l'acte, représente un viol psychologique qui ne permet pas de préserver la relation parent-enfant.
COLLECTIF D'EXPERTS
Saif AL JARRAH, médecin spécialiste en médecine interne générale FMH, SSMG, Genève
Gabriela BIVOL, médecin, spécialiste de la douleur, hypnothérapeute, Genève
Jacques BOULANGER, psychiatre, psychanalyste, Toulouse
Noemi CENTENO WOLF, médecin, spécialiste en chirurgie pédiatrique, Genève
Nathalie CHARDONNENS, assistante médicale, Genève
Vesna DRAMICANIN, psychologue, psychothérapeute FSP, Genève
Patricia FAILLETAZ, psychologue, psychothérapeute FSP, certifiée LAVI, agréée par la Santé Publique, diplômée en protection de l'enfance, Vétroz
Alex GROZA, psychologue, psychothérapeute FSP, Genève
Iulia HASDEU, Ph.D., anthropologue, psychologue, enseignante (Haute école de travail social), Genève
Marcela LAZZARI, médecin, pédiatre FMH, Genève
Raphaël MINJARD, Ph.D., psychologue, maître de conférence (Université Lyon 2), Lyon/Genève
Federica MORMANDO, psychiatre et psychothérapeute, spécialiste de la surefficience mentale, Milano
Liviu POENARU, Ph.D., psychologue, psychothérapeute ASP, Genève
Annie SAMBA NGANGA, médecin, spécialiste en gynécologie et obstétrique FMH, Genève
Samia SAYEGH-POMMIER, psychiatre, psychothérapeute FMH, Genève
Stéphane SCHERRER, psychologue, psychothérapeute FSP, Genève
Ella SCHLESINGER, Ph.D., psychologue, anthropologue, enseignante, Lyon
Anca SICLUSAN, psychologue, psychothérapeute FSP, Genève
AVEC LA COLLABORATION DE
Saskia DITISHEIM, avocate, Présidente d'Avocats Sans Frontières Suisse, Genève
Maria Lina GUARINO, avocate, Milano
Ermelinda MAULUCCI, avocate, psychologue, Milano
Benoît SANSONNENS, avocat, Fribourg
PARTENAIRES
Association Changer la Vie, Genève
Association Critical Art Studio, Genève
Collectif Touche pas à mon enfant - CH


Qui protège les parents de la protection des mineurs?

4973 _ nombre d'enfants et jeunes suivis en décembre 2019 au Service de protection des mineurs (Genève)
Source: Tribune de Genève
RÉFLEXION FAITE
Trois critères sont nécessaires pour qu’une pratique professionnelle individuelle ou organisationnelle soit considérée comme inappropriée : 1) La pratique ne répond pas aux besoins de la personne ; 2) La pratique peut porter préjudice à cette personne ; 3) La pratique est réalisée sans intention de nuire. Dès qu’il y a intention de nuire, on entre dans la malveillance. (...) Les organisations inadaptées sont difficiles à identifier, cachées derrière leur légitimité, car « compétentes » au sens administratif bien qu’incompétentes au sens professionnel, alors qu’elles portent atteinte aux droits fondamentaux. Coutumes, traditions, voire textes réglementaires décidés sans expérimentation préalable, peuvent générer en aval des avalanches de pratiques organisationnelles inappropriées.
R. Moulias, J.-C. Monfort, M. Beaulieue, M. Simon-Marzais, M.-H. Isern-Real, B. Pocha, M. Pépin, J.-C. Cadilhac, E. Martinent, S. Moulias (2020). Pratiques professionnelles inappropriées et maltraitances. NPG Neurologie-Psychiatrie-Gériatrie, 20, 112-123.
En écoutant les parents, les avocats et les professionnels de la santé, l’on peut avancer l’hypothèse que le TPAE (Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant, Genève), en fondant ses jugements sur des expertises psychiatriques non consensuelles et traumatiques ainsi que sur les avis du SPMi (pris dans la violence en miroir avec les parents en raison de la séparation forcée qu’ils opèrent dans certaines situations) risque de légitimer et d’alimenter une dynamique du registre psychotique (constitué de défenses paranoïaques, de menaces, de surveillances, de passages à l’acte). Il semble qu’on s’extrait de cette dynamique hautement préjudiciable en plaçant les enfants pour les mettre, à juste titre, à l’abri. Or les niveaux de responsabilité sont multiples, interconnectés et devraient être traités séparément afin d’éviter la propagation du registre psychotique et de la haine : le conflit inter-parental, les graves conflits générés par certaines expertises, par des pratiques inappropriées du SPMi, du TPAE, des foyers. Car ces registres, ces malentendus de parents, d’adultes et de professionnels qui déploient leur pouvoir en ignorant les effets psychologiques de leurs passages à l’acte, portent préjudice avant tout à des enfants qui sont censés être protégés.
Poenaru, L. (2020, sous presse). Psychopathologie du processus de protection des mineurs. In Analysis, revue transdisciplinaire de psychanalyse et sciences, 4 (2).

RÉACTIONS MÉDIATIQUES
RTS (2020). Temps présent : Juges et psys au cœur des familles déchirées.
RTS (2019). Séparés de leur enfant suite à une expertise psy, des parents s'alarment.
Placements forcés: le Conseil fédéral soutient la poursuite du travail de réparation. Le Nouvelliste, 27.11.2019.
Lugon, L. (2019). A Genève, des soupçons sur un audit des HUG. Le Temps, 18 octobre 2019.
Lugon, L. (2019). Garde d'enfants à Genève: un audit blanchit l'experte psychiatre. Le Temps, 10 octobre 2019.
Lugon Zugravu, L. (2019). La lutte des parents privés de leurs enfants. Le Temps, 29 avril 2019.
Lugon, L. (2019). Garde d’enfant à Genève: des avocats accusent. Le Temps, 11 juin 2019.
RTS (2018). SPMi 5/5 - Drames dʹenfants et larmes dʹadultes, 21.12.2018.
TSR (2015). Temps présent : Enfants placés, les dossiers de la honte.
ET AILLEURS