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GENÈVE | PROTECTION DES MINEURS: LE MUR RHIZOMATIQUE ET CARCÉRAL DE L'ÉTAT


A Genève, le Tribunal de Protection de l'Adulte et de l'Enfant (TPAE) poursuit son mépris des professionnels de la santé dont les avis divergent des institutions étatiques collaborantes dans le cadre de la protection des mineurs et plus spécifiquement dans les cas de placement non volontaire. Un mur rhizomatique, particulièrement traumatique et inatteignable a été bâti par les structures de l'état, mur au sein duquel les responsabilités sont distribuées de manière à ce que les opposants soient piégés par la longueur des procédures, la légitimité, le pouvoir et le "professionnalisme" des décideurs, les dettes (pour des frais d'avocats, etc.), l'exclusion sociale, les "preuves" de la maladie psychiatrique des parents, etc. Il s'agit d'un pouvoir de la collégialité, assumé collectivement dans le mépris des conséquences juridiques, sanitaires et humaines que subissent parents et enfants. Sans qu'une véritable protection soit offerte aux parents, mis à part une éventuelle mise sous curatelle par le Service de protection des adultes.


Les opérateurs de la justice répondent aux principes de ce mur rhizomatique dont les fondements, loin de l'universalité de la justice, demeurent occultes ou alors respectent les lois du silence, de la soumission, de la coercition, de l'incarcération symbolique, des intérêts économiques des intervenants, de l'écart du débat scientifique, de la crainte d'assumer la vérité des vulnérabilités de chacun. L'on ordonne donc en alignant un large ensemble de faits en accord avec la décision totalitaire du schizo-rhizome à l'oeuvre, et en accord avec ses propres lois. Sans jamais critiquer le regard d'un collègue aussi longtemps qu'il est un membre du rhizome qui participe à sa constitution, à sa maintenance et à ses intérêts.


J'ai eu comme interlocuteurs, au cours de l'année 2020, des professeurs d'universités suisses (psychologie, psychiatrie) qui disent leur accord avec ces critiques tout en refusant de s'impliquer dans une réflexion commune pour des raisons de conflits d'intérêt. J'ai échangé avec un des membres de la présidence de l'AMGe (Association des Médecins du canton de Genève) qui partage également sa colère vis-à-vis d'un système de protection aux graves effets médicaux pour les parents et les enfants... tout en refusant d'aller plus loin pour les mêmes raisons: conflits d'intérêt. Je n'écris pas ici pour blâmer ces personnes, mais pour poser quelques questions: Quels sont les intérêts de ces professionnels et chercheurs supposés jouer un rôle clé dans la reconnaissance des enjeux médicaux et humains de ce système? Réfléchir nous met dans quel type de danger? Se taire rapporte autant? Sommes-nous en train de confondre une démarche scientifique (étudier, dans une approche propre aux sciences humaines et sociales principalement) et la démarche politique sous-tendue par cette problématique? Y a-t-il science sans politique? Ou politique sans économique? Ou démocratie sans activisme?


La souffrance de milliers de personnes est, par défaut, un problème politique car cela exige une réflexion sur les actions et les rapports collectifs, comme la création des dispositifs et des moyens nécessaires à la modification de ces rapports. Mais la même souffrance pose avant tout des problèmes humains et éthiques que certains corps de métier sont appelés à résoudre et qui, dans le contexte qui nous préoccupe, semblent réduits au silence par des conflits d'intérêt. Ce qui signifie tout simplement que, dans le régime néolibéral qui nous gourverne et qui a généré un consensus global, les intérêts et la mauvaise foi passent avant la protection des vulnérables, le soulagement des souffrances, la compassion, l'empathie, la bienveillance, le soin, le respect absolu de la vie humaine. Ce qui signifie que nous oublions les valeurs fondamentales autorisant l'exercice de nos métiers. Pire encore, nous ne sommes pas là pour protéger les vulnérables mais pour créer des vulnérables par notre complicité avec le pouvoir du régime en place.


Il me vient toujours à l'esprit cette psychiatrie punitive des régimes dictatoriaux qui emprisonne les dissidents dans des asiles psychiatriques, souvent avec un diagnostic de schizophrénie (que le CURML n'hésite pas à employer pour s'aligner avec le mur rhizomatique décrit plus haut). Le diagnostic est ultérieurement répété par tous les acteurs (SPMi, COUFAM, foyers) pour justifier la violence des pratiques à l'égard des parents. Les patients que je traite et qui sont victimes de ce mur sont incarcérés dans des prisons symboliques faites d'exclusions, de mises sous tutelle, d'interdictions d'agir, de penser, de critiquer, d'évoluer (tout en subissant l'injonction paradoxale d'évoluer afin de récupérer leurs enfants). Pire encore, il semble que les professionnels de la santé (voire du droit) sont isolés de la même manière, afin de ne pas exercer leur influence sur des pratiques totalitaires. Aidez donc ces patients sans les aider et sans atteindre le rhizome!


Voici, à titre d'exemple, quelques constats à la réception, il y a quelques jours en arrière, d'une ordonnance du TPAE qui conserve le statu quo, c'est-à-dire une mère est maintenue à l'écart de son enfant (depuis 6 ans) pour des raisons obscures et en contradiction avec les avis des professionnels qui rencontrent madame régulièrement, mais qui ne font pas partie du rhizome étatique :


  • La pluralité/démocratie des regards n’est convoquée que pour être éliminée: mon analyse de la validité scientifique de l’expertise psychiatrique (fournie par le CURML) de ma patiente, ainsi que l'analyse de la même expertise par une collègue (enseignante universitaire à Lyon et docteure en psychologie/anthropologie) ne sont pas mentionnées ni utilisées dans le cadre de la discussion finale. La contestation du diagnostic par le psychiatre de la patiente non plus. Les observations très favorables (au regroupement familial) de la psychologue de l'enfant non plus. L’on insiste en priorité sur des données fournies (de manière projective et qui ont valeur de maltraitance institutionnelle) par ceux qui ne rencontrent pas ma patiente et son enfant régulièrement et qui ont produit une connaissance psychologique sur la base d'une seule rencontre. Comme on prend appui, pour consolider la décision, sur les constats du SPMi (toujours fortement biaisés par les conflits en miroir entre parents traumatisés par un placement ou une séparation non volontaires et intervenants en protection).

  • Ainsi, nous attendons des parents d'enfants placés qu’ils se comportent comme il se doit face à ceux qui les traumatisent, tandis qu'en face nous observons des pratiques professionnelles inappropriées (révélant une psychopathologie institutionnelle ou sociétale), ne respectant pas les critères logiques de la scientificité, générant des conflits en miroir, des tortures psychologiques et des maltraitances qui ne font pas l’objet d’une protection (des parents) ni d’une procédure juridique en sens inverse.

  • La poursuite de la thérapie avec moi-même n’est pas prévue dans les recommandations finales, ce qui prouve encore une fois que la pluralité et les avis divergents n’ont pas leur place dans le déroulement du processus de protection, les tenants d’une vision différente, critique ou complémentaire étant éliminés - les systèmes autoritaires procèdent de la même manière.

  • Sont privilégiés uniquement les avis qui sont en accord avec le SPMi et le CURML, institutions très critiquées à Genève (par les professionnels de la santé, par des chercheurs universitaires, par des avocats, par la presse, par des associations de parents) pour leur gestion dysfonctionnelle des cas.

  • Des données basiques de la psychologie de l’enfant ne sont pas prises en considération, à savoir que l’enfant construit son capital affectif dans des relations stables et intenses émotionnellement. Les multiples changements vécus par un enfant placé et qui ne favorisent pas la stabilisation de l’environnement ne sont pas pris en considération ni analysés. Au contraire, on insiste de manière fallacieuse sur un environnement actuel stable pour l'enfant, avec le sous-entendu que la mère serait trop instable pour lui. Idem pour le traumatisme de la séparation mère-fils, non pris en considération.

  • A ma connaissance, la Commission des Droits de l’Homme du Grand Conseil de Genève invite, dans le cadre de son rapport de 2020, les acteurs de la protection des mineurs à garantir le maintien des liens familiaux, des évaluations conduites par des équipes pluridisciplinaires, etc. Il est difficile d’admettre que, en lisant cette ordonnance, l’on privilégie le maintien des liens familiaux et qu’une analyse pluridisciplinaire argumentée, logique et scientifique fonde les décisions.


"Il apparaît assez clairement que l'humanité contemporaine tend un peu partout à une forme totalitaire d'organisation sociale, pour employer le terme que les nationaux-socialistes ont mis à la mode, c'est-à-dire à un régime où le pouvoir d'État déciderait souverainement".

Simone Weil, 1934.


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